• De là où je suis caché, ce petit recoin dans la pénombre dans la ruelle, j'entends ses petits pas résonner sur le pavé. Elle a beau être à l'autre bout de la rue, je l'entends comme si elle était juste à côté. Et ça ne m'étonne même pas. J'ai fini par m'habituer à ces nouveaux sens exacerbés. Pareil, la nuit est tombée, projetant ses ombres inquiétantes partout dans l'allée, mais je la vois qui s'approche. Comme en plein jour. La pauvre petite... Sa longue robe vert anis l'enserre et l'empêche de marcher. Le corset doit aussi l'empêcher de respirer par ailleurs. La voilà qui s'arrête, à quelques mètres à peine de moi. Elle a ses deux mains jointes nerveusement dans leurs petits gants couleur crème et danse d'un pied sur l'autre, signe évident de son angoisse croissante. L'endroit lui fait peur, la pauvre chose. Elle n'a pas l'habitude des recoins mal famés de la ville. De Londres, elle ne connait que les grandes propriétés de ses amis richissimes. Le vent froid de l'automne la fait frissonner et soulève quelques feuilles morts qui viennent voleter autour de ses bottines de cuir noir, cachées sous les trois jupes de sa robe.

    Enfin, je m'approche un petit peu, juste assez pour signaler ma présence, pas assez pour qu'elle puisse me voir réellement. Je suis bien là, dans l'ombre. La nuit est ma nouvelle demeure.

    "Chéri ? Est ce vous ?"

    Elle s'est tendue brusquement en voyant mon ombre s'étaler sur le sol éclairé par la lumière blafarde d'un vieux lampadaire prêt à rendre l'âme. Rien que mon aura monstrueuse suffit à l'effrayer. Simplement la vision de cette ombre difforme et elle se met à trembler. Un sourire sadique nait sur mes lèvres sans que je ne puisse le ravaler mais je réussis tout de même à contrôler ma voix qui reste froide et monotone, un peu trainante, un peu tranchante.

    "Effectivement. Mais je vous en prie, ma chère, n'avancez donc point. Je n'aimerais pas que vous ne vous sentiez mal. Réellement."

    Elle réprime le mouvement qu'elle avait amorcé pour se jeter dans mes bras. Et comme l'animal que je suis devenu, je sens ses doutes, j'hume ses craintes, et sa peur empeste l'air. Elle ne s'en rend même pas compte, bien entendu. Pitoyable humaine. Pour peu, je l'aurais juste tuée et je serais parti. Mais, elle a de la chance. J'ai envie de jouer aujourd'hui. Sa voix tremblante, retentit à nouveau dans le silence qui s'est installé :

    "Je ne comprends pas. Etes vous blessé ? Qu'y a t'il ? Vous nous avez manqué, amour, sachez le. Vous m'avez manqué. Trois longs mois sans vous et déjà je désespérais de vous revoir un jour ! Laissez moi revoir ce visage tant aimé, cet homme délicat que j'aime tant et que j'aime un peu plus chaque jour !"

    "Cet homme là n'existe plus vraiment, vous savez, Madame... Mais vous l'aurez voulu..."

    Ménager ses effets. Sinon, il n'y a plus rien de drôle à toute cette mascarade. Plus j'avance, plus je laisse mon aura sombre s'étendre autour de moi, cette brume que je déploie à l'envie en même temps que le climat s'alourdit, chargé de tension, d'angoisse. Les pans de mon manteau de velours noir volètent dans le vent d'automne et enfin, j'apparais dans la lumière, resplendissant. Un sourire de triomphe déforme mon visage monstrueux. Mes yeux ont viré au rouge flamboyant, et mon sourire s'étend, sanglant et démesuré, de part en part de mon visage au teint de cendre. Oreilles en pointes déchiquetées, maigreur excessive et quasi morbide. Membres un peu plus longs que la moyenne, terminés en longues griffes acérées. Je ne suis plus un homme. Je suis un monstre.

    Son visage s'est lentement décomposé alors que je m'avançais, ses yeux se sont agrandis de terreur et alors qu'elle découvre mon nouveau visage, j'aperçois les larmes de peur poindre derrière ses paupières qui battent trop vite. Elle tente de reculer, s'emmêle les pieds dans sa robe trop longue et tombe à terre. Mon sourire s'agrandit encore, jusqu'à rejoindre mes oreilles et une lueur malsaine, instable flotte désormais dans mon regard. Je suis comme hanté. Et en quelques secondes, je suis au dessus d'elle, l'empêchant de bouger.

    "Et bien, Madame, qu'avez vous ? Vous n'auriez tout de même pas peur de votre fiancé tant aimé ?"

    Si elle avait pu parler, elle m'aurait dit que je n'étais en rien l'homme qu'elle avait connu, que je n'étais qu'une atrocité qu'il faudrait abattre. Mais la pauvre petite n'arrive même plus à aligner trois mots. Elle bégaie, pleure, incohérente. Si elle n'était pas si pitoyable, j'aurais presque pu la trouver drôle. Mais à l'instant, elle m'énerve, c'est tout. Ma main s'est refermée d'elle même sur sa gorge pâle et mes ongles sales ont entamé la chair tendre avec facilité, sans même que je ne m'en rende compte. L'odeur du sang s'élève, âcre et métallique, en même temps que ses hurlements.

    "Apprenez Madame, que je suis un monstre et que vous ne m'aimez point. Apprenez, Madame, que je sens vos doutes, vos peurs, et vos mensonges. Ne cherchez point à me tromper, ne me dites point que vous m'avez attendu quand je sens encore sur votre peau l'odeur de cet intrigant dans les bras duquel vous vous êtes pâmée tout ce temps !"

    Ma voix a enflé peu à peu, pour venir lui briser les tympans et redoubler ses hurlements. Elle hurle tellement que j'envisage réellement de lui arracher les cordes vocales. Comme à un animal. De toute façon, elle n'est qu'un animal qui se croit mieux que les autres. Je lui suis tellement supérieur malgré ma monstruosité. Je lui serais toujours tellement supérieur. Elle n'est plus rien pour moi. Insignifiante humaine. Et elle continue à hurler, s'étouffant presque et je réalise que ma main est toujours sur son cou et que je l'ai soulevé du sol pour pouvoir ancrer mes yeux dans les siens. Ses pieds ne touchent même plus le sol et je crois bien qu'elle manque d'air. Peut être qu'au moins elle s'arrêtera de hurler. Pourtant, je la relâche et elle retombe sur le sol comme un pantin disloqué, la respiration irrégulière et sifflante.

    "Je suis un monstre, Madame, par les difformités de mon apparence physique. Mais sachez tout de même que vous autres, humains ridicules, êtes bien pires que les autres par toutes les horreurs que renferment vos cœurs. Alors gardez votre dégout, votre pitié. Je suis un monstre, certes, mais vous êtes tellement pires..."

    Je lui jette à la figure toute ma rancœur, et ma main s'est à nouveau refermée autour de son cou alors que je parlais, que je déversais ma bile. Je suis crispé à l'extrême d'avoir tenté avec peine de contenir ma colère. Et j'ai du serrer un peu trop fort car ma regrettée fiancée a arrêter de hurler, définitivement. Pitoyable.


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  • Misery - Stephen KingStephen King est reconnu comme un génie du thriller psychologique par beaucoup et je n'avais jamais lu le moindre de ses livres. Quand on m'a proposé de lire Misery, je me suis dit que c'était une bonne manière d'y remédier. Et je l'ai lu. Ci-dessous, une petite compilation plus ou moins pas ordonnée du tout de ce que j'ai pensé de ce roman.

    Misery, c'est l'histoire d'un écrivain, Paul Sheldon, reconnu pour avoir créé le personnage de Misery Chastain, dans une série de livres qui vient de s'achever avec la mort du protagoniste. Normal, Misery était un livre qui se vendait bien mais qui n'avait rien d'épanouissant pour son auteur. Mais un accident de voiture laisse Paul Sheldon paralysé, sauvé par une de ses plus grandes fans, Annie Wilkes, qui, au lieu de l'emmener à l'hôpital, le soigne chez elle. Et ne semble pas prête à le laisser partir. Du moins pas vivant. Alors, forcé par cette abominable femme, Paul Sheldon se doit d'écrire une nouvelle histoire de Misery, et ainsi de la faire revivre.

    "Elle ne peut pas mourir!" vociféra Annie Wilkes. Ses mains se fermaient et s'ouvraient à un rythme de plus en plus rapide, brutalement. "Misery Chastain NE PEUT PAS MOURIR ! "

    Le principe de ce genre de livres ? Mettre le lecteur mal à l'aise, sur les nerfs. Comme si une Annie Wilkes allait débarquer pour nous coller sur une chaise roulante dans sa maison flippante. Et ce pari là est réussi. Une fois le livre terminé, on se sent un peu mal et on n'a pas spécialement envie d'éteindre la lumière. Le roman mérite bien son nom de thriller psychologique.

    Deuxième bon point du livre, je l'ai dévoré. Impossible de m'arrêter tant que je ne l'avais pas fini. J'avais besoin de savoir ce qui arrivait à cet auteur, et si Annie Wilkes, complètement folle, allait finir par le tuer.

    Ca c'était pour les bons points. Ce qui en laisse pas mal de mauvais, je vous l'accorde. Premièrement, c'est mal écrit. Et ce n'est pas seulement ça, c'est surtout un style très confus. Stephen King a voulu représenter la terreur du protagoniste jusqu'à la folie, en répétant à intervalles réguliers des éléments qui ont traumatisé le personnage, virant jusqu'à l'obsession (l'eau sale du seau pour nettoyer le sol, qu'elle lui avait donné pour avaler ses anti douleurs notamment). Mais qu'est ce que c'est mal amené... Coupant des phrases, dans des situations qui ne méritent pas de faire remonter toute cette angoisse. Régulièrement, on se retrouve avec des phrases qui ne veulent rien dire sans raison apparente, et si c'était sensé aider l'auteur à faire monter la tension, cela n'aura servi qu'à m'ennuyer et m'agacer.

    Finalement, je n'arrive pas à voir l'intérêt d'ajouter des bouts du roman qu'Annie force Paul à écrire. Lui passe son temps à dire qu'en fin de compte, il s'agit du meilleur livre qu'il n'ait jamais écrit tandis que moi je passe rapidement ces pages dont le style est encore plus mauvais que dans le reste d roman. Egocentrisme de l'auteur pour rester au dessus de son personnage ? Aucune idée. Mais je n'ai absolument pas d'idées non plus sur comment ce genre de roman a pu rendre l'auteur célèbre tellement il est mauvais.

    Enfin bon, en conclusion: A lire une fois dans sa vie pour connaitre un peu le style de Stephen King qui reste reconnu comme un des plus grands auteurs américains de son temps, mais selon moi, c'est un roman qui ne paie pas de mines et qui ne vaut absolument pas la renommée qu'il a. Un peu comme les aventures de Misery par Paul Sheldon ont reçu beaucoup de succès sans être un chef d'œuvre en fait.


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