• Vers les étoiles

    L'homme s'approcha lentement, espérant ne pas faire de bruits malgré les tessons de verre qui jonchaient le sol sale et boueux de la ruelle. Derrière lui passa un chat. Mais lui ne faisait pas vraiment attention à ses pattes. Il ripa donc sur un morceau de verre dépoli et un vif miaulement d'indignation et de douleur s'éleva dans l'atmosphère pesante de cette chaude nuit d'été, troublant son silence tandis que l'animal filait, détalait, et disparaissait dans l'ombre. 

    L'homme y vit là un signal, sortit de sa sombre cachette et déboucha sur l'avenue déserte. Les lampadaires révélaient par leur lumière blafarde et tremblotante son visage fermé et dur. Pourtant il n'avait rien d'un criminel, il ressemblait plus à cette personne que tout le monde connait sans jamais vraiment lui parler, avec ces traits tellement banals que personne ne pourrait les décrire précisément.

    Il resta là quelques instants à peine, le temps d'éliminer le moindre doute qui aurait pu le faire hésiter sur ses sombres desseins. Et enfin il l'aperçut de l'autre côté de l'avenue, seule. A cette heure tardive de la nuit, il n'y avait d'ailleurs personne d'autre dehors. Il traversa donc, impassible.

    Elle semblait passablement éméchée, le visage rougi par l'alcool, ses cheveux roux en bataille qui lui donnaient l'air d'un félin, chaussures à la main et pieds nus sur le goudron. Enfin, leurs yeux se rencontrèrent, ceux noirs de l'homme dans ceux émeraude de la femme. Elle parut le reconnaître, un éclat de malice traversant ses yeux troubles et vides.

    Mais il était déjà trop tard car l'homme avait levé le bras, lentement, impassible, arme au poing. Et avant qu'elle n'ait pu réaliser ce qui se passait, qu'elle ait essayé de le supplier, il avait appuyé sur la détente, sachant pertinemment qu'il n'aurait jamais pu tirer si jamais il avait entendu le son de sa voix cristalline résonner dans ses oreilles. 

    La balle partit, étoile filante, pour aller se loger dans le sein de cette femme, disparaissant dans sa chair et créant ainsi un nouvel astre de sang. Elle garda ses yeux plantés dans les siens, ouvrit la bouche pour hurler mais seule sortit une gerbe pourpre de sang alors qu'elle tombait à genoux avant de s'affaler totalement sur le goudron, livide, son regard mort rivé vers les étoiles.

    Et lui disparut dans la nuit.
     

     

     


  • Commentaires

    1
    Dulanoire
    Lundi 15 Juillet 2013 à 15:50

    Tu l'avais déja posté sur le forum, n'est-il pas?

    2
    Udelire Profil de Udelire
    Lundi 15 Juillet 2013 à 18:44

    Oui, je crois.

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    3
    Jeudi 1er Août 2013 à 21:30

    Oh ! J'adore la métaphore filée des étoiles ! Ca donne un côté très poétique et adoucit le crime. J'aime beaucoup ! 

    4
    Udelire Profil de Udelire
    Lundi 19 Août 2013 à 14:04

    Merci beaucoup ! J'avais dans l'idée de comparer la mort aux astres depuis un bout de temps et même si ce projet n'est pas autant travaillé dans ce texte qu'il ne le faudrait, il est vrai que j'ai pris grand plaisir à le placer là.

     

    5
    Dimanche 19 Janvier 2014 à 14:51

    Ton idée de comparaison prend toute son ampleur dans ce dernier paragraphe (si l'on excepte la toute dernière phrase) : mise en oeuvre réussi pour moi, suis du même avis que Lunai Glista...

    6
    Dimanche 19 Janvier 2014 à 18:26

    Merci, c'est gentil !

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