• Une mère

    Ecrite en écoutant Night Changes de One Direction (Oui, je sais, honte à moi...). Bonne lecture.

    Les journées s'égrenaient, les unes après les autres. Chaque matin, elle se levait, forçait un sourire sur ses lèvres fatiguées, qu'importe si elle n'y croyait plus. Le même chemisier blanc et jean sombre. Le même trait d'eyeliner sur ses yeux absents. Le même chignon qui retenait ses cheveux blonds sales. Elle ne le faisait pas pour elle. Elle le faisait pour son enfant. Et quand elle entrait dans sa chambre, elle riait avec elle de la même manière qu'avant, faisait s'illuminer ses yeux. Une part d'elle qu'elle n'osait pas avouer n'en avait que faire si elle la rendait heureuse. Mais c'était son devoir. Ce pour quoi elle vivait. Elle essayait d'être une bonne mère. Qu'importe qu'elle était seule. Elle lui servirait son petit déjeuner, l'emmènerait à l'école. Elle était tout ce qu'elle avait, et elle faisait tout pour la garder. Elle irait travailler, rentrerait en quatrième vitesse, paierait la baby-sitter. Elle se haïssait pour penser ainsi mais parfois elle avait l'impression que son enfant était un boulet qui la retenait sur Terre. Quand elle avait bu un verre de trop, que la petite était couchée et qu'elle se sentait légère. Si légère. Et puis la petite appellerait à l'aide. Parce qu'il y avait des monstres dans son placard. Parce qu'elle avait perdu son doudou. Parce qu'elle avait soif. Retour sur Terre. Se sentir si lourde, si écrasée par le poids du monde. La nuit quand l'enfant dormait, elle avait un arrière goût de sa liberté perdue à des erreurs de jeunesse. Elle regardait la nuit obscurcir le ciel et elle se souvenait des soirées d'avant. Du contact permanent avec d'autres corps. Des vapeurs d'alcool. De l'atmosphère grisante. Les volutes de fumée. Elle se voyait, seule au comptoir de sa cuisine miteuse, un verre de vin à la main, et elle savait que ceci n'avait jamais été la vie dont elle avait voulu. Elle était jeune. Elle avait eu sa vie devant elle.

    Il y avait une photo de sa fille sur le comptoir de la cuisine et les soirs comme cela où elle se sentait trop légère, et qu'elle boirait bien encore un verre de trop, elle contemplait la photographie dans son petit cadre de plastique coloré. Elle l'aimait. Vraiment. C'était toute sa vie. Toute sa vie. Rien d'autre. Laisser une larme amère couler le long de sa joue marquée trop tôt par les rides. A ce point, la nuit aura complètement recouvert la ville. Elle laissera son regard se perdre dans l'immensité sombre de l'autre côté de la fenêtre, pour se laisser le temps d'imaginer une vie différente. Une vie sans la petite. Elle ne devrait pas penser à ce genre de choses, n'est ce pas ? Les autres mères de son groupe de soutien sont toutes tellement fières de leurs enfants. Tellement aimantes. Elles disaient qu'elles avaient fait une erreur mais que c'était un signe du destin, qu'elles ne regrettaient pas. Elle regrettait. Secret enfoncé tout au fond de sa poitrine. Ce soir encore, elle prendrait un dernier verre de vin et avalerait deux calmants, comme son médecin lui avait prescrit. Afin de pouvoir dormir, d'un sommeil opaque, sans rêves. Une nouvelle larme qui s'arrêta au bord de son nez. L'essuyer du revers de la main. Elle reposa le verre vide sur le comptoir. Elle rangerait demain.

    Encore un jour.

    "Maman ! Maman ! On va faire des cadeaux pour la fête des mères à l'école aujourd'hui !"

    "C'est bien, ma chérie..."

    Elle n'arrivait pas. Pas aujourd'hui. Les calmants n'avaient pas marché cette nuit. Elle avait encore rêvé à une vie meilleure. Une vie où elle ne serait pas qu'une mère enceinte trop tôt. Où elle aurait pu continuer ses études. Elle n'était pas d'humeur ce jour ci. Les gosses n'en avaient rien à faire. "Maman aurait préféré que tu n'existes pas, tais toi s'il te plait." Non.

    Une nouvelle journée au travail. Son reflet fatigué dans le miroir. Rentrer à la maison, payer la baby sitter.

    "Maman ! Maman ! On fait des pâtes pour le dîner ?"

    "Si tu veux, chérie..."

    Ce n'était pas la bonne journée, c'était tout. Un regard sur sa fille et elle manquait de s'effondrer en larmes. Elle avait tout balancé aux ordures, et elle n'arrivait pas à voir le bon côté des choses comme les autres. Il y avait quelque chose qui n'allait pas chez elle. Elle voulait se sentir légère à nouveau, s'envoler. Ne jamais se reposer. Mais la petite tirait sur la jambe de son jean. Elle voulait une histoire.

    Un nouveau verre de vin. En contemplant la nuit, elle se sentait légère. Un sens de liberté. Elle se servit encore un verre. Son regard dériva sur la photographie sur le comptoir de la cuisine. Elle la déposa délicatement, face vers le bas, pour ne pas sentir le regard accusateur de sa fille sur elle. Une impulsion. Elle alla chercher la boîte de calmants dans l'armoire de la salle de bains. Fit tomber trois ou quatre cachets dans sa main. Elle pourrait s'envoler. L'enfant était trop petite, elle ne se souviendrait de rien. Elle aurait une famille qui l'aimait vraiment. Laisser son regard disparaitre dans la nuit, s'aveugler à la lumière des étoiles et se perdre dans l'obscurité. Elle voulait rejoindre les galaxies et ne plus jamais retourner dans la cuisine miteuse. Elle fit danser les pilules dans sa main, le verre de vin dans l'autre. Poser la première sur le bout de sa langue.

    "Mamaaaaan !"

    Elle redéposa les cachets et le verre de vin sur le comptoir.

    "Maman, j'ai perdu Doudou..."

    "Il est là, chérie..."

    "Doudou ! Merci Maman ! Bonne nuit !"

    Ranger les cachets et finir le verre de vin. Aller se coucher. Un jour peut être elle se sentirait légère à nouveau. En attendant, elle laisserait les journées s'égrener, les unes après les autres, se réservant la nuit pour rêver à un autre monde.


  • Commentaires

    1
    Lundi 2 Novembre 2015 à 20:24

    La scène se déroule, implacable. La routine de cette vie morne et sans joie s'installe.  Le motif de ce gâchis n'apparait que tardivement. La question des raisons d'un tel naufrage s'impose de plus en plus en attendant sa révélation, ce qui augmente l'intérêt du texte. Le tableau psychologique du personnage est très bien décrit.

    C'est vraiment bien rendu et totalement désespéré.

    Quelques erreurs de syntaxe grammaticale à travailler.

    2
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 09:23

    Merci ! Oui il y a probablement quelques erreurs, ce sont des textes très peu relus, malheureusement, je n'ai pas vraiment le temps...

    3
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 12:25

    Pour moi, c'est devenu un plaisir de me relire et d'améliorer en prenant le temps de laisser reposer afin de découvrir mon texte comme si c'était la première fois que je le voyais. Après une, deux, parfois trois corrections, je mets un point final à mon écrit. Après quelques jours, je prends vraiment plaisir à le redécouvrir : il sonne juste à mon oreille. Je peux alors le publier.
    Cela demande une certaine rigueur, de calmer l'impatience et l'envie de communiquer immédiatement le premier jet.
    Mais aujourd'hui, je m'y retrouve mieux ainsi.

    Il y a pour toi la possibilité de publier des écrits de bonne qualité. Tu sais écrire, tu as des choses à partager, tu as une bonne sensibilité...

    Mais peut-être n'est-ce pas le moment pour toi de prendre le temps. Je ne sais pas. Chacun son rythme et son chemin.

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    4
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 14:09

    J'aurais besoin de plusieurs semaines avant de publier, pour me relire avec un oeil nouveau. J'ai encore une attitude très enfantine par rapport à l'écriture et souvent, je considère trop rapidement en avoir fini avec une histoire. J'apprends en ce moment à me relire sur le projet de roman que j'ai en cours. En attendant, j'ai peur que mes textes ici restent des premiers jets jusqu'à ce que je trouve le temps et le courage de les reprendre tous un par un pour les corriger.

    5
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 14:27

    C'est vrai que parfois, il y a tant de mots qui se bousculent, tant de projets qui s'accumulent, qu'on ne peut être aussi présent à chacun qu'on le souhaiterait. Je te souhaite une création agréable avec ce roman. C'est un gros travail qui demande endurance et rigueur. C'est super que tu te lances.

    6
    Vendredi 6 Novembre 2015 à 16:55

    Merci !

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