• Un monstre de chocolat - Les sept péchés capitaux

    Voilà, je vais finalement réussir à poster ma série des sept péchés capitaux. Ça fait quand même près de 3 mois que je l'ai commencé ! Enfin bref, je ne vais pas me perdre en longs discours... Merci à tous pour revenir régulièrement, n'hésitez pas à poster votre avis ! En tout cas voici donc le premier texte, la Gourmandise.

    On ne peut pas m'en vouloir, j'aime les bonnes choses. Ce n'est pas si grave, c'est même très humain ! Nous avons tous des papilles, elles ne sont pas là pour rien. N'est ce pas ? Il ne faut pas m'en vouloir, je vous dis, mais le chocolat reste mon péché mignon. Même si mes parents me disent que je ne devrais pas manger entre les repas, même si mon médecin me demande de faire un peu attention à ce que je mange, et même si cela doit signifier supporter les insultes des autres à l'école. Surtout à cause des insultes des autres à l'école d'ailleurs. Je n'ai jamais vraiment pu m'en passer. Il faut dire aussi qu'il n'existe rien de meilleur sur cette planète. Ne faites pas cette tête là, tout le monde aime le chocolat ! Amertume du chocolat noir fourré à l'orange sous le soleil du printemps, délice du chocolat au lait pour le goûter au début de l'automne et moelleux du chocolat blanc pendant les longues soirées d'hiver. Une barrette de chocolat aux noisettes pour m'occuper les mains devant la télé, une tasse de chocolat chaud quand je devrais travailler et une bonne mousse au chocolat pour le dessert, le soir avec mes parents. Le chocolat n'a jamais tué personne, de toute façon.

    Pourtant, je crois qu'à force d'en manger, un petit bonhomme en chocolat s'est formé dans mon estomac. Au début, il fallait que je pose la main sur mon ventre pour le sentir, mais il a vite pris ses aises, et quelques kilos par la même occasion, et je pouvais le sentir se balancer en permanence au fond de mes entrailles. Il a fait son petit nid à l'intérieur de moi. Ne me demandez pas comment, mais je sais à quoi il ressemble même. Sa peau est un tourbillon délicat de chocolat noir et de chocolat blanc, des volutes qui s'entrelacent délicatement, du chocolat craquant, fondant, brillant. Il a à la place des yeux deux amandes bien dorées et je dirais même qu'il est fourré au praliné.

    La plupart du temps, le petit bonhomme en chocolat digère. Donc il dort beaucoup, paisiblement, bercé par ma respiration. Il me laisse en paix. Mais de plus en plus souvent, il se réveille brutalement, comme dans un sursaut après un cauchemar particulièrement terrifiant. Et le petit bonhomme en chocolat est un peu comme moi. Quand il a peur, la seule chose qui peut le rassurer, c'est de manger. Alors, il frappe, il hurle, il pleure, il réclame. Et je ne peux que lui obéir, que voudriez vous donc que je fasse ? Petit bonhomme a beau n'être pas bien grand, il prend beaucoup de place, et il a un gros estomac. Je pense même que c'est un puits sans fonds enfoui sous les couches de praliné. Alors pour le sustenter, le calmer, j'avale jusqu'à n'en plus pouvoir tout ce qui me passe par la main, jusqu'à en avoir la nausée. Et seulement quand je ne tiens plus debout, fier de son pouvoir sur moi, le petit bonhomme de chocolat se rendort en fond de mon estomac, et me laisse nettoyer les dégâts.

    Faut pas m'en vouloir hein, mais je n'en pouvais plus du petit gars. Il restait là, il ne faisait rien, et il continuait à prendre du poids. Il a déformé tout mon ventre pour me faire ressembler à une grosse baleine, juste parce que ça le faisait beaucoup rire. Je crois qu'il me tuait jour après jour. Je n'en voulais plus, je voulais qu'il s'en aille, qu'il meure, qu'il aille embêter quelqu'un d'autre. Qu'importe. J'ai essayé, vraiment. Ce n'est pas si difficile quand on comprend comment s'y prendre, vous savez. On ferme les yeux et on enfonce deux doigts tout au fond de sa gorge. Ne prenez pas cet air horrifié par pitié. Ça n'avait rien de si terrible. Simplement, ça ne marchait pas. En revanche, le petit bonhomme en chocolat a parfaitement compris ce que je voulais faire et s'est vengé. Il m'a réclamé encore plus de nourriture, et rien que de repenser à ces orgies, ça me donne envie de vomir. Ça ne lui a pas suffi. Il était vraiment en colère, je crois. Il a fait tomber mes cheveux, et jaunir mes dents. Il m'a empêché d'avoir jamais des enfants pour que je puisse toujours m'occuper de lui. Je me suis acharnée. Je voulais qu'il s'en aille, je le haïssais. Je le hais. Alors, il a orchestré son dernier coup. Il m'a envoyé à l'hôpital, m'a laissé moisir dans ce lit qui sentait le désinfectant quelques temps. Et il vient de me souffler ce qui va se passer maintenant. Son coup final.

    Le petit bonhomme en chocolat, aux yeux en noisettes grillées et fourré au praliné, s'est immiscé partout dans mon corps, jusque dans mon cerveau. Et en punition de ma haine et de mes vaines tentatives pour le déloger, il va compter jusqu'à trois puis fermera mes yeux et arrêtera mon cœur, sans que je ne puisse rien y faire. Alors seulement, il disparaîtra sans laisser de traces, là-bas, tout au fond de mon estomac détruit par les vomissements.

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  • Commentaires

    1
    Françoise Lebas
    Vendredi 10 Octobre 2014 à 23:45
    Cette terrifiante histoire commencée dans la douceur nous conduit aux confins de l'enfer. Mais au fond quoi de plus normal et de plus moral : tout péché doit recevoir son châtiment !
    2
    Lundi 27 Octobre 2014 à 20:04

    Je ne mangerais plus de chocolat je crois ^^ enfin… au moins jusqu'à demain, je pourrais pas tenir plus longtemps je pense xD

    Françoise Lebas, quand même mourir pour avoir été gourmand, c'est peut être un peu trop quand même… enfin bon^^

    joli petit texte sinon :)

    3
    Samedi 7 Novembre 2015 à 16:41

    Le texte commence sur une image qui fait sourire et amuse puis s'installe progressivement le tragique de la boulimie et de l'anorexie. Au fur et à mesure de la lecture, je me demandais jusqu'où allait s'installer l'enfer de l'aliénation. Pas de quartier ni de rédemption. La dépendance se traduit par la mort.
    C'est très bien amené. Et l'écrit fait passer par des émotions successives bien suscitées. Un beau travail.

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    4
    Dimanche 8 Novembre 2015 à 16:01

    Merci beaucoup !

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