• Marie, reviens - Les sept péchés capitaux

    Toutes mes excuses pour ce retard impardonnable. Avec le NaNoWriMo (un défi pour écrire 50 000 mots d'un roman en un mois) en Novembre, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour revenir ici et poster la suite de cette série qui me tient pourtant à cœur. Voilà donc le texte suivant basé sur le péché de paresse. Bonne lecture à tous !

    OoO

    Cet appartement sent vraiment le renfermé. Ça pue la poussière et cela agresse la gorge. Je manque de m'étouffer à chaque fois que je passe la porte. En soit, il faudrait vraiment que je fasse quelque chose à propos de cela, que j'attrape l'aspirateur avant que tout ne se mette à moisir. Je parierais qu'il y a même des toiles d'araignée partout dans le placard de l'aspirateur. Il faut dire aussi que je ne m'en sers jamais. Avant, c'était Marie qui s'en occupait, c'est pour ça. Elle, elle savait faire, moi, je ne sais pas. Alors je laisse l'appartement tomber en ruine, espérant probablement qu'une intervention divine nettoie tout à ma place.

    Avant, quand je rentrais du travail, fatigué et énervé parce qu'Hervé s'était encore vanté d'avoir réussi à me voler ma promotion, l'appartement était toujours propre et lumineux, et son parfum embaumait les lieux. Citron et cannelle. Pas que je sache reconnaître les odeurs, mais je me souviens qu'elle me l'avait dit une fois. Et puis avant, Marie était là à la porte, radieuse, pour me faire oublier Hervé et ses sourires moqueurs. Maintenant quand je rentre, l'appartement est vide, glacé, poussiéreux, et il y fait noir, si noir... En plus, ça pue le renfermé. Et personne n'est là pour me dérider quand Hervé se vante de m'avoir aussi volé mon poste.

    Il faudra vraiment que je m'y mette un jour ou l'autre. Surtout que Mary ne risque pas de se lever d'entre les morts et de sortir de sa tombe pour venir me donner un coup de main. De toute façon, le cimetière est à l'autre bout de la ville, elle aurait du mal à venir jusqu'ici sans se faire arrêter par un passant terrorisé. C'est pour ça que je ne suis pas retourné la voir. Pas à cause des attaques zombies, hein. Mais parce qu'elle est loin, et que je n'ai plus le courage de traverser toute la ville pour aller parler à une dalle de pierre. C'était bon pour les premières semaines de deuil, ça.

    Je suis fatigué, si fatigué... Depuis qu'Hervé a récupéré ma place au travail, je suis assigné aux paperasses. Si Marie avait été là, elle aurait fait cette petite moue adorable de quand quelque chose la contrarie et elle m'aurait consolé. Elle m'aurait dit de ne pas m'en faire et si je continuais à bien travailler, ils me redonneraient ma place rapidement. Maintenant qu'il n'y a plus personne, je n'en ai plus rien à faire de la fonction que j'exerce. Les paperasses, c'est aussi bien qu'autre chose. Ça m'empêche de penser.

    Je suis resté planté là sur le pas de la porte pendant dix minutes, j'ai déjà les larmes qui me montent aux yeux. Je n'aurais jamais du garder l'appartement. Finalement, je me traîne jusqu'à mon salon, les chaussures encore aux pieds, balançant juste mes clés et ma veste sur le canapé. De toute façon, je suis seul maintenant, je n'ai plus tellement besoin de ranger. Je me laisse tomber au bar et je sors un verre. Ça doit être le seul encore à peu près propre, je ne fais pas la vaisselle souvent. Ce n'est pas là la première fois que je bois ce mois-ci. Ce n'est pas la première fois de la semaine non plus. On est Mardi.

    Marie m'aurait fait ses gros yeux réprobateurs et m'aurait forcé à boire un de ses cocktails vitaminés faits maison qui me donnaient des hauts le cœur mais qui apparemment étaient bons pour moi. En même temps, je ne pouvais rien résister à Marie. Mais Marie n'est plus là. Alors je remplis mon verre à ras bord de cette douce liqueur qui sort d'une bouteille de whisky à demi vide. Reflets du liquide ambrés dans lesquels je me perds.

    Donnez moi l'oubli, donnez moi le sommeil qui me manque. Laissez moi voir les morts derrière mes paupières devenues lourdes et faites en sorte que je ne les quitte plus. Laissez moi tomber entre les bras des cadavres enterrés là bas, à l'autre bout de la ville, auprès du corps déjà rongé par la mort de cette poupée angélique qui souriait autrefois, et son sourire illuminait la terre. Sortez moi de là ! Le monde va trop vite, il oublie. Je ne peux pas. Les hommes courent, je stagne, je pleure. Laissez moi partir.

    L'alcool brûle ma gorge et incendie ma poitrine comme de la lave en fusion, un brasier ardent me rongeant de l'intérieur, et dans les flammes de l'incendie disparaissent mes problèmes de maintenant pour ne laisser que les douloureux souvenirs d'autrefois, encore bien trop vivants. Et la brûlure disparaît pour ne laisser qu'une chaleur réconfortante qui cache le vide béant dans ma poitrine. Si seulement cela pouvait cacher le vide à jamais... Peut être que je pourrais faire semblant d'aller mieux, peut être que je pourrais sortir l'aspirateur de son placard plein d'araignées. Je finis mon verre rapidement de peur que la sensation ne s'estompe et laisse retomber ma tête sur la table du bar, mes bras en guise d'oreiller. La pièce toujours plongée dans l'obscurité tourne un peu mais qu'importe.

    Laissez moi dormir, merde ! Quand Marie était là, je sombrais dans les bras de Morphée en l'espace de quelques minutes à peine, blotti tout contre elle, son odeur dans mes narines. Cannelle et citron. Et maintenant je me tourne et me retourne, regarde le temps qui passe, si seul dans le lit si vide.

    Mon verre s'est rempli comme par magie et il s'est vidé tout aussi vite, toujours par la force d'un esprit supérieur. Probablement. Je ne sais pas. En tout cas, l'alcool ambré qui a disparu est venu attiser le feu de l'oubli dans ma poitrine.. Bientôt, il consumera mon corps tout entier et réduira mon esprit en cendres. Peut être qu'on pourra mettre ces cendres dans la tombe près de Marie. Encore faudrait il qu'on ne la confonde avec la poussière dans la pièce. La flamme devient peu à peu incendie incontrôlable que je ne fais qu'attiser. Encore et encore. Je n'ai plus le courage de remplir mon verre. Même ça, j'en suis devenu incapable, c'est bien trop fatigant pour moi. Pourtant la bouteille continue de se vider peu à peu et le feu gonfle et gonfle encore. La fumée devient brume ardente, étouffante, envahissant mon esprit pour y effacer les souvenirs, les brouiller. La fatigue me fauche, m'écrase, chape de plomb face à laquelle je ne peux rien. Alors je m'y soumets.La bouteille que je devais tenir à la main tombe sur le sol. Milliers de petits morceaux de verres qui reflètent la lumière de la rue dans l'obscurité de l'appartement. Alcool couleur de miel qui coule en rigoles sur le sol. Je contemple le feu liquide se répandre sur le plancher.

    Donnez moi l'oubli et le sommeil qui me manquent, et ce jusqu'à la fin de l'éternité. Je ne veux plus bouger. Laissez moi voir les morts et je ne demanderais jamais plus rien. Je ne pourrais jamais faire mon deuil. Laissez moi les voir et surtout faites en sorte que je ne les quitte jamais plus.

    Les lumières dansent et le monde tangue. Je ne reconnais plus le haut du bas et je ne sais plus où je suis. Alors, dans le brouillard qui recouvre ma vision, elle apparaît, comme avant. Elle a sa petite robe à fleurs qu'elle portait dès les beaux jours venus et son parfum se répand dans la pièce, remplaçant l'odeur de renfermé. Elle est belle et elle a ce sourire radieux qui fait s'illuminer le monde. Comme avant, quand je rentrais du travail et que la maison était propre et lumineuse, que je pouvais sentir de derrière la porte le délicieux repas qui cuisait. Elle avait mis un CD de jazz dans le lecteur et la musique résonnait dans tout l'appartement, entremêlé de ses rires. Elle prenait ma main dans la sienne pour m'entraîner dans une danse qui ne ressemblait à rien, sans règles et sans contraintes, et qui la faisait toujours rire.

    Et elle est là, elle me regarde. Et j'entends le son du CD de jazz et je sens son parfum. Cannelle et citron. J'ai mis ma main dans la sienne quand elle me l'a tendu et je l'ai suivi quand elle s'est envolée, petit ange dans sa robe à fleurs. Et on a disparu.

    Laissez moi rejoindre les morts et que je ne les quitte plus jamais.


  • Commentaires

    1
    Dimanche 7 Décembre 2014 à 12:22

    J'ai toujours du mal à commenter tes textes, parce que je ne sais jamais quoi dire... La série des sept péchés capitaux est une très bonne idée, et tu nous prouves que ça tient largement la route avec les trois premiers textes. J'ai adoré Le monstre en chocolat, Le lycée qui riait... Et celui-ci aussi, bien sûr.
    On vit avec ton personnage, on le comprend, parce que tu écris tellement bien que ça ne peut pas être autrement. A chaque fois, tes textes donnent l'impression que tu les as travaillés mille fois avant d'obtenir ce résultat, alors je voudrais juste de souhaiter une bonne continuation...

    Sinon, le NaNoWriMo, défi relevé ou pas ?

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    2
    Dimanche 7 Décembre 2014 à 15:50

    Je te remercie infiniment pour ton commentaire, tu ne sais même pas à quel point ça me fait plaisir. Vraiment, je ne travaille pas tant que ça les textes sur le papier. Je réfléchis souvent longtemps à ce que je veux écrire, au message que je veux faire passer, à l'atmosphère à transmettre. Quand j'écris, je ne fais que deux jets. Une fois sur le papier, une fois quand je le tape pour le poster.

    Pour ce qui est du NaNoWriMo, oui, défi relevé. Mais je n'ai pas fini mon roman pour autant ! ^^

    Encore une fois, merci beaucoup. Ce genre de commentaires me laisse avec un sourire débile sur le visage toute la journée !

    Udelire

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