• La vieille du troisième - Les sept péchés capitaux

    Bonjour à tous ! Je vous souhaite une excellente année 2015 (dans laquelle j'espère poster un peu plus régulièrement, mais chut, je n'ai jamais été très douée avec les résolutions...) ! Je pense que je vais profiter du début de l'année pour réfléchir à de nouveaux projets pour le blog, ou pour en raviver d'anciens. Peut être aussi que j'en profiterais pour être plus active sur un site qui me tient particulièrement à coeur, Fanfiction.net. Si jamais cela venait à se faire, je vous indiquerais le lien de mon profil avec joie ! ^^ Si jamais vous avez des propositions à faire, que ce soit des thèmes de textes ou de nouveaux projets, n'hésitez pas à me le faire savoir dans les commentaires ou par un message privé !

    En attendant, voici le texte suivant dans ma série des sept péchés capitaux. Il s'agit de l'envie.

    OoO

    C'est la vieille du troisième. Je crois qu'elle est morte. Non, je ne sais pas comment. Non, je ne suis pas sûr. C'est ce que disent les voisins du dessus. Je ne crois pas que quiconque ici en est quelque chose à faire de toute façon. Cela m'étonne même que quelqu'un ait donné l'alerte avant que son corps commence à pourrir. L'odeur aurait expliqué que quelqu'un s'inquiète mais là... Ce n'est pas comme si elle avait des amis, la vieille du troisième. Je ne crois pas qu'elle ait de famille non plus. Ou alors ils ne veulent plus la voir. Ça se comprendrait.

    Mais comme je disais, tout le monde s'en fout. On fera semblant d'affecter un air de circonstances en passant devant sa porte durant quelques semaines, un mois tout au plus. On annoncera son décès avec un lueur grave et sévère dans le regard aux pauvres innocents qui n'ont pas encore suivi les commérages. Et puis ce sera tout. On oubliera. Il y aura de nouveaux résidents. 

    Personne ne l'aimait, la vieille du troisième. Cela faisait plusieurs années qu'elle ne sortait plus de chez elle. Depuis avant notre emménagement ici en fait. On la voyait juste des fois dans le hall, ramassant son courrier en se parlant à elle même à voix basse. Ou la plupart du temps, on l'apercevait à sa fenêtre. De toute façon, elle ne faisait plus que ça, observer le monde derrière ses rideaux de dentelle jaunis. Au fond, elle enviait juste le monde d'avoir encore une vie quand elle avait totalement détruit la sienne à coup d'aigreur et de malveillance.

    Elle avait dans les yeux cette lueur mauvaise, sournoise, qui flamboyait avec ardeur devant les signes évidents de notre réussite, qui incendiait son regard noir quand elle entendait des rumeurs de notre désespoir. Elle voulait tout savoir, juger par elle même le degré de bonheur que nous devions ressentir pour mieux pouvoir nous maudire par la suite, dans le confort et la solitude de son appartement qui sentait le renfermé. Je suis persuadé qu'elle a essayé de nous voler notre courrier à plusieurs reprises.

    Pour autant, je ne pense pas qu'elle ait jamais voulu de nos vies heureuses, non. Elle n'aurait su qu'en faire, comment en profiter. Ce qu'elle voulait vraiment, c'était que nous ayons tous des vies aussi stériles, austères et malheureuses que la sienne. Si elle voulait notre bonheur, c'était simplement pour la satisfaction de pouvoir le détruire en mille morceaux, et n'être qu'une parmi les gens malheureux, ne pas être l'exception à la règle.

    Les gosses du premier l'appellent la Sorcière. L'appelaient plutôt, maintenant. Ça ne m'étonnerait pas qu'on retrouve des poupées vaudou et des yeux de crapaud dans son appartement. Après l'avoir entendu marmonner toute seule, enfermée dans son appartement, portes et fenêtres closes, rideaux fermés, pendant près de deux jours sans discontinuer, après mon mariage avec Lucie, je m'attends à tout. Et il ne faut pas oublier la disparition de notre chat après la naissance de Tom. J'ai toujours été persuadé d'entendre des miaulements derrière sa porte à partir de ce jour là. Je ne crois pas qu'elle ait vraiment été une sorcière, la vieille. Elle était juste complètement folle, bonne pour l'asile.

    Elle a sombré quand elle s'est rendue compte que tout le monde, sans exception, dans l'immeuble, avait une bien meilleure vie qu'elle. C'était après que le sourd du cinquième ait finalement trouvé un boulot et que la famille du premier ait commencé à recevoir les allocations qu'ils réclamaient depuis des mois. Et puis on a eu notre deuxième enfant. C'est ce qui a causé sa perte je crois, mais je n'arrive pas à me sentir coupable. Lucie n'arrêtait pas de répéter que si elle se plaignait moins, elle était persuadée qu'elle aussi pouvait atteindre le bonheur tout aussi bien que les autres. Mais encore une fois, je ne crois pas qu'elle voulait être heureuse.

    Elle était tarée la vieille, c'est tout. Et puis surtout elle était condamnée. Condamnée à voir les autres continuer à vivre quand elle semblait figée à jamais, incapable d'évoluer. A la fin, je crois qu'elle ne mangeait même plus et qu'elle ne dormait presque pas, elle passait tout son temps collée contre la fenêtre, acculée, ouvrant de grands yeux hagards pour dévorer le bonheur des gens passant dans la rue. Faudrait graver ça d'ailleurs, sur sa tombe. "Overdose de bonheur". Ça ferait une belle épitaphe.


  • Commentaires

    1
    Hazazel
    Jeudi 15 Janvier 2015 à 18:58

    Coucou ! Je t'avais dit que je passerai voir, eh bah je l'ai fait.

    Ce n'est pas du tout le texte que j'avais lu pour l'envie dans tes premiers jets ! ^^ On retrouve le thème de l'envie, exprimé avec moins de sous entendus, mais elle semble plus forte. Comme dans Madame Bovary (oui je sais, même ici... ce livre est partout) on n'arrive pas à plaindre la vieille, l'envie n'est généralement pas très attractive (comme tous les péchés, en fait, c'est bien seulement sur le papier). On se demande quand même, à cause du point de vue du narrateur, si le récit n'est pas biaisé (le narrateur semble neutre, cela dit...). En tout cas, j'aime bien ce texte, même si ce n'est pas mon préféré des 7.

    Je vais voir les autres publications, à toutes !

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    2
    Jeudi 15 Janvier 2015 à 19:00

    Alleluïah, j'ai cru que tu ne passerais jamais. Je ne sais pas si on peut affirmer que mon narrateur est neutre. Pour tout dire, je le trouve moi même particulièrement désagréable sans raison apparente. Je ne sais pas, je ne l'aime pas c'est tout.

    Quand au fait que les péchés sont uniquement bien sur le papier, tu me connais, attends le dernier texte pour dire ça ;) 

    3
    CMB
    Mardi 7 Avril 2015 à 19:01

    Je me sens un peu désolée pour la vieille du troisième. Je n'arrive pas à savoir si elle est réellement bouffée par la jalousie et l'aigreur ou si c'est simplement le regard du narrateur qui est nécessairement biaisé… En tout cas, j'apprécie réellement ton style que je trouve assez naturel et fluide, bravo ! :)

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