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    Mon regard qui glisse doucement sur sa peau blanche. Assise sur une chaise, le dos bien droit, cernée de fatigue, je ne peux me résoudre à rejoindre mon propre lit, comme hypnotisée par la vision de cet ange. Recroquevillée sur elle même comme pour taire ses souffrances qu'elle ne connait pas encore, pour se protéger des dangers du monde extérieur dont elle ignore tout. Dans son sommeil, elle se réveille sur l'univers qui l'entoure, oublie quelques temps les murs blancs de sa chambre, les meubles roses et le cocon doré qui l'entoure et la protège, se sent vulnérable. Comme si elle savait. Pourtant, elle ne peut pas savoir, elle ne doit pas savoir. Elle est trop pure, trop innocente. Ce serait crime que de la laisser dans un monde trop gris pour elle, souillée dans l'âme par ce qu'elle ne connait pas encore. Petite fille, elle dort. Sa respiration paisible emplit l'air de la chambre et je me prends à imaginer ses rêves.  Je ne vois qu'un monde cotonneux, des visions de ce qu'elle connait. Et puis une brise glacée me réveille de ma transe. J'aperçois la fenêtre entrouverte qui donne sur dehors. Déjà je me suis coulée près de celle ci pour la refermer. Elle ne doit pas voir, ne doit pas entendre, ne doit pas sentir. Elle n'est pas prête, bien trop fragile. L'autre jour, quand elle s'est réveillée, j'ai vu dans son regard qu'elle commençait à être contaminée. Et j'ai eu peur. C'est mon enfant, ma vie, mon œuvre. Elle ne peut pas, elle n'a pas le droit de s'en aller, de devenir un monstre de plus. J'en finis par me demander si je ne suis pas le passeur entre le monde et elle, la raison de ses maux futurs. Et j'ai peur. Elle, elle n'a peur de rien, elle dort. Paisible comme une morte, simplement sa respiration pour faire bouger son petit corps de porcelaine. Sans réfléchir, je me suis approchée du petit lit cage à barreaux de bois blanc. Oui vraiment, elle est dans une prison superbe qui la protège des autres plutôt qu'elle ne les protège d'elle. Comment pourrait elle faire du mal, elle, si naïve et innocente ? Seule son sommeil trahit son appartenance à la race humaine, sa peur sourde du mal qui bientôt ne deviendra que banalité. Elle apprendra à vivre avec. Et moi, j'ai peur. Ses cheveux blonds sont trop pâles et trop fins pour avoir à fréquenter la noirceur de la vie, ses yeux azur sont trop calmes pour tout connaitre de la morbide banalité du quotidien. Et pourtant chaque jour, ils sont plus graves, pas vraiment comme ceux des enfants de son âge, encore trop bêtes pour savoir. Mais elle, elle sait, elle saura. J'espère simplement qu'elle n'en sait pas trop, qu'elle ne devine pas tout. Minuit qui sonne à l'église, là bas, dehors. Je dépose un baiser sur son front délicieux, passe ma main dans ses cheveux. Et puis, me coulant par la porte, disparait discrètement de cette chambre, de la bulle de verre qui tient à l'abri cette femme enfant, ce bout de bambin déjà trop grand, qui ne dort qu'éveillé pour mieux vivre quand elle dort.

     


    2 commentaires
  • Dans un puits sans fond, vraiment très profond, Alice tombait.

    Elle se souvint avoir suivi dans son terrier un blanc lapin et y être tombé.

    Rien de grave me direz vous! Sauf que c'était vraiment un très grand trou...

    Alice, entre deux moments de terreur, se surprit à s'ennuyer, et même à regarder l'heure

     

    Enfin elle toucha terre et se releva, découvrant alors un drôle d'endroit:

    Devant elle une porte boisée, bien trop petite pour qu'elle puisse y accéder,

    Sur une table un gros gâteau, qui paraissait aussi bon qu'il était beau.

    Oubliant toutes les leçons de sa maman, elle en avala une grande part en s'exclamant:

     

    "Qu'il est bon! Qu'il est beau! Mais? Je deviens plus petite qu'un oiseau!"

    Alice en quelques instants disparut, tant minuscule elle était devenue.

    Tombant dans une bouteille qui se referma, la petite prisonnière hurla.

     

    Mais elle était bel et bien enfermée, et l'air commençait à lui manquer.

    Allongée sur le verre détrempé, Alice resta à suffoquer.

    Et en un dernier soupir, fatalité, la petite fille sentit son cœur s'arrêter...

     

     

    Alice mourut dans son sommeil sans que l'on ne puisse se l'expliquer,

    La petite fille emportant avec elle le secret de cette mort prématurée,

    N'ayant jamais pu parler de cet étrange rêve qui l'avait tué...


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