• Amazone

    Dans la forêt profonde, elle s'asphyxie à l'ozone

    Peau brune d'Andalouse, posture fière d'Amazone,

    Des larmes vierges et sauvages sur ses joues farouches,

    Attente insupportable qui meurt à sa bouche.

    Elle ne pourrait jamais le faire. L'air ne passait plus dans ses poumons, elle s'étouffait, elle mourrait, et personne ne disait rien, ne faisait rien. Elle sentait le regard de ses soeurs dans son dos, impassibles, et devant elle le regard vide de l'homme inanimé. Elle ne put empêcher le premier sanglot de monter et serrer sa gorge. 

    "Tu as prêté serment. C'est ton devoir. Pas d'homme dans le camp."

    La voix ferme de sa soeur qui lui tendait avec insistance la lame sacrificielle. Elle avait toujours respecté son serment jusque là. Même quand les hommes étaient venus de la mer, qu'ils avaient réclamé l'asile, lui avaient promis de la sauver de celles qu'ils appelaient une "bande de sauvages". Elle avait voulu rester alors, continuer à vivre parmi les fières guerrières. 

    Premiers mouvements, à peine visibles, de l'homme qui se réveille. Ca avait été son tour de devenir mère, pour assurer la pérennité de la tribu. La chose avait toujours été très bien réglée. On allait dans le village d'à côté, on séduisait un homme pour une nuit, et on disparaissait sans jamais le revoir. Et puis, elle avait voulu être originale. Elle avait été voir un des hommes de la mer.

    Le corps de l'homme était désormais secoué de petits tressautements alors que ses muscles reprenaient conscience. Ses paupières s'entrouvrirent légèrement mais il n'était pas suffisamment conscient pour savoir ce qui se passait. Elle avait du supporter l'opprobre des plus anciennes mais elle expliquait à quiconque voulait bien l'entendre qu'ainsi elle renforçait la lignée, la rendant immune à des maladies qu'elle même ne connaissait pas. Et on l'avait cru.

    Finalement, il ouvrit les yeux et elle les vit, encore groggys de sommeil, parcourir paresseusement le paysage. Et puis d'un coup. Dilatation des pupilles, affolement de la rétine. Il avait compris. Elle avait rempli sa part du marché mais contrairement aux hommes du village, l'homme du port ne connaissait pas les traditions amazones. Il avait voulu la revoir. Une fois, deux fois, trois. Les soeurs en avaient eu assez. Maintenant qu'elle portait un enfant, disaient elles, elle ne devait pas être distraite de la cause amazone pour les histoires futiles d'un homme qui croyait en l'amour.

    Alors que l'homme se repiai sur lui même, sachant pertinamment qu'il n'avait aucun moyen de s'échapper, elle sentit l'enfant dans son ventre se recroqueviller aussi, mais préféra ne pas porter attention à l'être qui grandissait en elle. Tout était de sa faute. Elle serra dans sa main la lame ondulée, au manche de bois lié de cuir.

    "Isolée du monde, je suis solitaire,

    Pour le salut de mes soeurs je suis meurtrière,

    Face aux hommes destructeurs, je suis guerrière,

    Que le règne des Amazones perdure aujourd'hui comme hier."

    Elle avait prononcé le serment pour la première fois quand elle avait douze ans. Depuis, chaque femme du camp se le répétait dans les moments difficiles. Pour se donner du courage. Se rappeler leurs valeurs. La dague trop lourde dans sa main semblait l'ancrer dans le sol et elle sentait ses pieds nus s'enfoncer dans la terre meuble. Elle pouvait distinguer chaque petit caillou sous la plante de ses pieds, et le vent qui faisait remuer sa robe de lin, la plaquant contre ses jambes. Elle était paralysée.

    "Tue le !"

    Les soeurs commençaient vraiment à s'impatienter. elle jeta un regard en arrière pour apercevoir la rangée parfaitement ordonnée des jeunes femmes au visage dur, les cheveux noirs au vent, certaines bien plus avancées dans leur grossesse qu'elle. Mais elle devait efaire. Au fond, elle savait qu'il s'agissait pour elle d'une dernière épreuve initiatique. N'importe quoi pour faire partie de la communauté.

    L'homme était complètement éveillé, maintenant, il s'était redressé et sa voix éraillée était parvenue à ses oreilles, suppliant au milieu des mots de son serment qu'elle ressassait encore et encore.

    -Isolée du monde je suis solitaire,

    - Habitant des ondes, condamné à te plaire,

    - Pour le salut de mes soeurs, je suis meurtrière,

    - Malgré la peur, je vous salue, mythologique sorcière,

    Face aux hommes destructeurs, je serai guerrière,

    - Fils de comte, élevé par sa grandeur, je ferais de vous une héritière,

    Que le règne des Amazones, perdure aujourd'hui comme hier.

    Vous êtes au pied de mon trône, quand je pourrais faire de vous ma femme, sur mes terres.

    Un éclair de colère dans les yeux noirs sauvages.

    "Vous pouvez bien être souverain, mais seule, je serai reine !"

    Les derniers mots prononcés, elle ressortait la lame de la plaie ensanglantée, laissant l'homme s'affaisser sur le sol, avant de se détourner, avec un air de dégoût. Le sol était saturé de sang, qui coulait en rigoles pourpres jusqu'aux pieds de l'amazone.


  • Commentaires

    1
    Haza
    Dimanche 3 Avril 2016 à 11:22

    Re bonjour !

    J'aime beaucoup ce texte ! Les Amazones, c'est bien. J'avais lu un roman YA sur Penthésilée, il faudra que je le retrouve

    Mais bref, le texte ! Il y a quelques fautes de frappe ("Elle pouvait distinguer chape petit caillou", "Tues le" et un truc avec des mots collés un peu plus bas) mais c'est pas grave.

    La chanson apporte du rythme, surtout à la fin quand le marin lui répond (en vers, il est fort, ce marin). L'image que donne le texte, avec les Amazones en rang derrière la fille, est très jolie.

    Je vais aller lire les autres textes ! (j'en ai raté quelques uns en fait)

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